Enquête« Catherine Deneuve, derrière l’écran » (2/6). La carrière de l’actrice est indissociable de celle de sa sœur Françoise Dorléac, morte dans un accident de voiture en juin 1967. « A nous deux, nous ferions une femme parfaite », ont-elles coutume de dire au début des années 1960.
Cela fait déjà une bonne heure que Jean-Paul Rappeneau patiente dans ce restaurant de la rue Lincoln où le milieu parisien du cinéma a ses habitudes, à deux pas des Champs-Elysées. A la table voisine, son ami le jeune réalisateur Claude Sautet déjeune avec le documentariste Marcel Ophuls. Plus loin se tiennent des producteurs et des scénaristes. Des amis de la Nouvelle Vague et des gens du « cinéma de papa », comme les premiers disent des seconds.
Tout le restaurant devine qui ce grand escogriffe de Rappeneau espère. Pour le rôle principal de son premier long-métrage, La Vie de château, ce fan de comédie américaine clame partout qu’il n’imagine personne d’autre que « la Katharine Hepburn française : Françoise Dorléac ! ». Nous sommes au tout début de l’année 1964, et le 7e art ignore encore notre héroïne, Catherine Deneuve. Il n’y en a que pour sa sœur.
Depuis le 5 février, les spectateurs font la queue devant les salles pour voir les cascades de Jean-Paul Belmondo dans L’Homme de Rio, un film signé Philippe de Broca, mais dont Rappeneau a coécrit le scénario. L’actrice de 22 ans qui donne la réplique à Belmondo, c’est Françoise Dorléac et le moins que l’on puisse dire, c’est que les critiques et le public l’ont remarquée. Elle est ravissante, drôle, pétulante dans les scènes d’action, avec ce petit quelque chose de moderne et d’émancipé qui plaît tant aux jeunes femmes des années 1960.
Rappeneau adore son débit de mitraillette et son côté très « fille », lui qui a quatre sœurs. Il cherche un rythme à son histoire, celle d’une famille de châtelains partagés entre la séduction d’un beau résistant et la soumission aux officiers nazis occupant leur demeure. Françoise Dorléac sera parfaite.

D’ailleurs, la voilà enfin. Il faut voir cette entrée théâtrale dans le restaurant ! Essoufflée, en jean blanc, les cheveux savamment décoiffés, un minuscule chien sur le bras, juste au-dessus de son sac Kelly, comme Grace Kelly… « Je ne peux pas rester… On m’attend… Cinq minutes à peine… Je suis désolée… C’est fou, cette vie parisienne… » On croirait tout à fait que Cary Grant, James Stewart et tout le Hollywood des comédies dont raffole Rappeneau vont surgir dans son sillage. Françoise s’assied à peine. Réclame un café crème et des chips pour tremper dans le café, de l’eau pour son chien. Annule sa commande. « Dans le scénario, votre Marie, c’est une fille proche de la nature… Moi je la vois pieds nus… Bon, il faut que je me sauve… » Elle est déjà partie.
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August 24, 2020 at 12:16PM
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Catherine Deneuve et son double - Le Monde
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Double
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